Le cinéma égyptien, Hollywood sur le Nil #fiche

Le cinéma égyptien, vecteur de l’identité arabe

En quoi le cinéma égyptien a-t-il véhiculé des valeurs identitaires ?

Sherihan, Le Caire, 1987 Impression jet d'encre sur papier baryté Dubaï, galerie The Third Line © Fouad Elkhoury / The Third Line Gallery, Dubai
Cinéma de divertissement mêlant chants, rires et larmes, la comédie musicale égyptienne va se révéler le puissant vecteur d’une identité commune. La réalisation de films en langue arabe s’appuyant sur un imaginaire local et sur des références culturelles, religieuses et linguistiques partagées inquiète les autorités européennes dans des colonies où, jusqu’alors, les films américains et européens monopolisaient largement les écrans.

L’industrie cinématographie égyptienne est, avec celle de l’Inde, l’une des premières industries non occidentales à connaître un succès international. La population de nombreux pays d’Afrique et du Proche-Orient s’identifie aux personnages et se révèle friande des mises en scène chantées et chorégraphiées.

La Rose Blanche (Al Wardah al bayda) de Mohamed Karim, sortie en 1933, marque l’arrivée des films égyptiens en Algérie et y connaît un immense succès. Effrayée à l’idée que la population soit séduite par le panarabisme et s’identifie à une Égypte désormais indépendante, les autorités françaises contrôlent la distribution de films étrangers et surveillent les spectateurs durant les diffusions. Plus encore, la France investit dans le développement de films spécifiquement dédiés aux population du Maghreb, comme La Septième Porte d’André Zwobada (1947). Mais le succès n’est pas au rendez-vous ; abandonnant rapidement la production, les autorités se concentrent dès lors sur la surveillance. En Tunisie, les films égyptiens sont censurés par le protectorat ou surveillés lorsque l’action se « situe en pays musulmans ou [que] le thème évoque les problèmes d’ordre colonial ».

Les films égyptiens remportent aussi un grand succès dans les colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal et au Mali. La question linguistique n’apparaît pas comme un critère déterminant dans l’intérêt que portent les spectateurs à ces films, au contraire de la musique, très appréciée. Plus encore, les films traitant de l’histoire de l’islam sont très bien accueillis. En témoigne le succès de La Naissance de l’islam (Zuhûr al-Islâm, 1951) à Dakar. Le film, qui a pour premier rôle un acteur noir, y suscite des réactions enthousiastes qui ne manquent pas d’inquiéter les autorités coloniales.

En mettant fin à la royauté, la révolution des officiers de 1952 ouvre une nouvelle ère pour le cinéma égyptien et libère la parole concernant certains faits sociaux ou politiques, en particulier l’histoire coloniale – tout en soumettant les films produits sous le règne du roi Farouk à une stricte censure. Panarabe et tiers-mondiste, l’Égypte devient un lieu phare de la politique internationale. La position de nombreux cinéastes reflète l’état d’esprit de cette nouvelle ère, fait d’espoir et d’engagement. L’un des exemples les plus fameux demeure Djamila l’Algérienne, adaptation par Youssef Chahine, en 1958, de la vie de la résistante algérienne Djamila Bouhired, interprétée à l’écran par la célèbre actrice égyptienne Magda al-Sabahi. Le film revient sur la guerre d’Algérie et sur la torture subie par la jeune femme durant son incarcération par l’armée française. Ce film met en lumière la situation de la jeune fille, condamnée à mort, ainsi que la situation du peuple algérien. Grand succès populaire, il renforce les liens diplomatiques entre l’Égypte et une Algérie bientôt indépendante.
Hajer Ben Boubaker

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