Le cinéma égyptien, Hollywood sur le Nil #fiche

Une diffusion internationale

Comment les comédies musicales égyptiennes ont-elles connu un succès international ?

Le cinéma Louxor, salle Youssef Chahine Paris, 2016 © KORBO
Loin d’être cantonnées aux frontières du monde arabe, les comédies musicales égyptiennes ont su conquérir de nouveaux publics. Leur production en grand nombre – plaçant un temps l’Égypte au 4e rang mondial de la production cinématographique –, leur ouvre la voie à un rayonnement international.

Diffusés massivement dans tous les pays arabes, les films égyptiens remportent également de beaux succès en Europe, notamment en Grande-Bretagne, en Amérique du Sud auprès de la diaspora arabe établie du Brésil, ainsi qu’aux États-Unis. La France, par l’intermédiaire des immigrés maghrébins, leur fait un accueil particulièrement favorable. À partir des années 1960, le cinéma égyptien est régulièrement à l’honneur dans les festivals internationaux.

C’est à Paris, dans les studios Gaumont, que sont tournées les séquences parlées et chantées du premier film parlant : Le Fils à papa (Awlad al dhawat, 1932) de Mohamed Karim, première de nombreuses collaborations dans le domaine de la production. Mais si une véritable égyptomanie règne en France depuis la campagne d’Égypte, il faudra attendre les années 1960 pour que des films égyptiens y soient distribués, pour répondre à la demande de la diaspora maghrébine. Familiers des comédies musicales égyptiennes, très populaires dans leurs pays, les immigrés maghrébins en sont en effet des spectateurs assidus.

Le cinéma parisien le Louxor avait été construit au début des années 1920 dans un style néo-égyptien et art déco, dans un quartier du 18e arrondissement appelé à devenir emblématique de l’immigration maghrébine : Barbès. Alors en difficulté, la salle, pour attirer ce public, adapte ses tarifs et se met à programmer des films égyptiens et algériens en version originale ou encore des films indiens. Elle stimule du même coup les ventes de vinyles : dans ce quartier emblématique de l’industrie du disque arabe et berbère, les spectateurs prennent l’habitude, à chaque sortie d’une nouvelle comédie musicale, d’aller acheter la musique du film dans l’une des nombreuses boutiques du quartier, chez les célèbres Madame Sauviat, Disco Muzik, Cléopâtre ou la Voix de la Jeunesse, voire à Belleville ou dans le centre-ville d’Asnières, qui se sont aussi spécialisés dans la distribution de ces musiques. Barbès reste néanmoins le centre parisien de la diffusion de films arabes. Aucun concert d’artistes arabes à Paris ne peut faire l’impasse d’une intense promotion dans le 18e arrondissement afin d’attirer le public immigré, premier consommateur.

Le même engouement pour le cinéma et les musiques arabes se retrouve dans d’autres villes de France : à Marseille aux alentours de Noailles et de Belsunce, à la Guillotière à Lyon, à Saint-Etienne, à Lille…, partout, des quartiers se spécialisent dans la distribution de produits culturels importés d’Afrique du Nord et du Proche-Orient.

La rencontre du cinéma égyptien avec l’intelligentsia cinématographique internationale s’opère par l’intermédiaire de festivals internationaux qui saluent à plusieurs reprises le génie égyptien : en 1965, Le Péché (al-Harâm) d’Henri Barakat figure dans la sélection officielle du festival de Cannes. En 1967, l’Égypte participe aux festivals de Montréal et de Leipzig puis, en 1968, aux festivals de Carthage et de Tachkent, en URSS, avec Le Facteur (al-Bostaguî) de Hussein Kamal. En 1969, Un soupçon de peur (Chay’ min al-khawf) de Hussein Kamal est en compétition officielle et La Terre (al-ard) de Youssef Chahine, hors compétition au festival de Moscou. Chahine accède à une réelle reconnaissance française au fil du temps, avec plusieurs nominations à Cannes ; il reçoit en 1997 le prix du 50e anniversaire du festival de Cannes pour l’ensemble de son œuvre.
Hajer Ben Boubaker

Partager cet article sur :