Dalida, la bambina du Caire
Quel fut le destin de Dalida ?
Dalida, chanteuse (Le Caire, Égypte, 1933 - Paris, 1987)
Dalida est connue en France comme la grande reine du disco, une icône de la pop culture qui fit de sa chevelure dorée une véritable marque de fabrique. En 37 ans de carrière, elle aura enregistré plus de 600 chansons, écoulées dans pas moins de 80 millions d’albums ! Mais bien plus qu’une simple interprète, Dalida fut à fois chanteuse, danseuse et actrice. Diva à la vie amoureuse tumultueuse et ponctuée de drames, elle mit fin à ses jours en 1987, à l’âge de 54 ans.
La musique n’a pas seulement tracé le destin de Dalida mais aussi celui de sa famille. Sa grand-mère maternelle, née dans un village isolé de la Calabre, avait eu un enfant hors mariage après avoir été séduite par un musicien. Rejetée par les siens, espérant gagner l’Amérique mais dépourvue des moyens de réaliser son rêve américain, elle choisit l’Égypte comme de nombreux italiens de l’époque, et s’installe au Caire. L’enfant née de cette relation illégitime, Filomena d’Alba (1904-1971), future mère de Dalida, épouse un passionné de musique, Pietro Gigliotti (1904-1945) premier violon à l’Opéra du Caire. Loin d’être anodine, cette trajectoire familiale, de l’exil à la passion musicale, contribuera à façonner le personnage Dalida.
Née Iolanda Gigliotti, au Caire, en 1933, la future diva grandit dans le quartier populaire de Choubra avec ses parents. Fascinée par le cinéma et les actrices américaines, elle fait ses premiers pas sur la scène au club de théâtre de l’école. En 1954, elle est élue Miss Égypte, un titre qui lui ouvre les portes du cinéma égyptien avec un premier nom de scène : « Dalila ». La même année, elle fait une première et brève apparition sur grand écran dans Le Masque de Toutankhamon, l’or du Nil, dans le rôle d’une ténébreuse espionne chargée de séduire le rôle-titre masculin, incarné par l’acteur Gil Vidal, lors d’une mémorable danse des sept voiles. Elle est aussi engagée pour être la doublure extérieure de Rita Hayworth pour le projet de film américain Joseph et ses frères, tourné à Louxor, un projet qui ne verra jamais le jour. En 1955, le cinéaste américain Howard Hawks réalise la Terre des Pharaons, dont la plupart des scènes sont tournées à Hollywood. Mais pour les scènes extérieures et les plans de foule, il est obligé d’engager une seconde équipe en Égypte ; c’est ainsi que Dalida devient la doublure locale de Joan Collins. Du côté du cinéma égyptien, elle parvient à être choisie par Niazi Mostafa pour jouer le rôle d’une vamp dans Un verre, une cigarette, aux côtés de la fameuse danseuse Samia Gamal ; elle y laisse déjà transparaître ses talents de chanteuse italophone.
Mais sa carrière d’actrice ne décolle pas. Elle s’envole pour Paris en espérant la lancer véritablement, et change son nom de scène en mêlant « Dalila » et son vrai prénom, Iolanda. Elle est devenue « Dalida ». Mais en France, c’est une carrière de chanteuse qui l’attend.
En 1956, le succès de la chanson Bambino et la première partie d’Aznavour à l’Olympia propulsent sa carrière. Par-delà l’exotisme de son singulier accent charmeur, avec cette façon de rouler les R et de jeter des accents circonflexes un peu partout, sa musique reste bel et bien occidentale, fidèle aux codes et aux styles de la chanson pop européenne, entre yé-yé, puis disco, et chanson réaliste.
Au milieu des années 1960, la fraîcheur orientale sur laquelle elle surfait depuis ses débuts ne suffit plus. Elle réinvente alors son personnage et sa silhouette : la blonde sophistiquée détrône la brunette des premiers jours. Elle surjoue sa féminité avec un maquillage marqué, une chevelure impeccable et des robes chics de créateurs connus.
En plus de son look, elle travaille sans cesse au renouvellement de son style artistique. Elle surfe un temps sur la vague yé-yé jusqu’à ce que la mode disco ne la détrône. C’est là que Dalida se distingue en devenant la première disco queen de l’Hexagone avec un côté kitsch bien assumé. Lors de ses apparitions télévisées, elle accorde une place singulière à sa silhouette, au jeu et à la danse. C’est cette théâtralité qui définit l’essence de sa touche artistique. Un peu à l’égyptienne, Dalida, est en fait une chanteuse qui joue, ou peut-être même une actrice qui chante !
En 1977, alors en pleine gloire en Europe, la star internationale fait un retour aux sources en reprenant Salma Ya Salama, une chanson nationaliste de 1919 composée par Sayed Darwich, considéré comme le père de la musique égyptienne populaire. Elle la chantera en cinq langues. Le succès est vertigineux, en France comme au Moyen-Orient. Helwa Ya Baladi (« Ô mon beau pays ») rencontre le même enthousiasme à sa sortie en 1979. Ces deux chansons célèbrent le souvenir de son Égypte natale, à laquelle elle rendra un dernier hommage en 1980 avec Aghani Aghani (« Chansons, chansons »), pot-pourri de tubes arabes qui laisse transparaître sa nostalgie pour son enfance idyllique. Le refrain en est la meilleure preuve : « Chansons, chansons qui me manquent tant ! Chansons, chansons qui, en un instant, me transportent dans un passé de bonté et de bénédictions, parmi les miens et mes amis ! »
Le rêve cinématographique de ses débuts devra attendre trente ans pour se concrétiser, avec le cinéaste Youssef Chahine, dans Le Sixième jour (Al-Youm al-sâdis, 1986). C’est un mélodrame, avec Dalida en tête d’affiche dans le rôle de Saddika, une lavandière. Le cinéaste, qui lui offre là son premier rôle dramatique au cinéma, n’hésite pas à la métamorphoser en tragédienne. C’est à peine si l’on reconnaît la star du glamour et du show-business. Dans le film, elle mène une vie de labeur : les cheveux dissimulés sous un voile, sa longue silhouette cachée dans une large djellaba, le visage nu et sans fard. À la grande surprise du public de la diva, Dalida ne chante pas dans le film, sauf, à la fin où elle fredonne à mi-voix le refrain de la chanson égyptienne Ṭilʿit yā maḥlā nūrhā.
Youssef Chahine raconte : « Dalida mourait d’envie de jouer. Quand je lui ai offert le rôle, elle a sauté de joie. Elle est venue ici, a tourné avec nous. Elle avait une discipline de fer, était d’une grande gentillesse avec les ouvriers. Elle chantait et dansait avec eux. Et pourtant, elle était d’une tristesse incroyable. […] C’était quelques mois avant son suicide. »
Brigitte Nerou, Hajer Ben Boubaker, Amal Guermazi
Dalida est connue en France comme la grande reine du disco, une icône de la pop culture qui fit de sa chevelure dorée une véritable marque de fabrique. En 37 ans de carrière, elle aura enregistré plus de 600 chansons, écoulées dans pas moins de 80 millions d’albums ! Mais bien plus qu’une simple interprète, Dalida fut à fois chanteuse, danseuse et actrice. Diva à la vie amoureuse tumultueuse et ponctuée de drames, elle mit fin à ses jours en 1987, à l’âge de 54 ans.
La musique n’a pas seulement tracé le destin de Dalida mais aussi celui de sa famille. Sa grand-mère maternelle, née dans un village isolé de la Calabre, avait eu un enfant hors mariage après avoir été séduite par un musicien. Rejetée par les siens, espérant gagner l’Amérique mais dépourvue des moyens de réaliser son rêve américain, elle choisit l’Égypte comme de nombreux italiens de l’époque, et s’installe au Caire. L’enfant née de cette relation illégitime, Filomena d’Alba (1904-1971), future mère de Dalida, épouse un passionné de musique, Pietro Gigliotti (1904-1945) premier violon à l’Opéra du Caire. Loin d’être anodine, cette trajectoire familiale, de l’exil à la passion musicale, contribuera à façonner le personnage Dalida.
Née Iolanda Gigliotti, au Caire, en 1933, la future diva grandit dans le quartier populaire de Choubra avec ses parents. Fascinée par le cinéma et les actrices américaines, elle fait ses premiers pas sur la scène au club de théâtre de l’école. En 1954, elle est élue Miss Égypte, un titre qui lui ouvre les portes du cinéma égyptien avec un premier nom de scène : « Dalila ». La même année, elle fait une première et brève apparition sur grand écran dans Le Masque de Toutankhamon, l’or du Nil, dans le rôle d’une ténébreuse espionne chargée de séduire le rôle-titre masculin, incarné par l’acteur Gil Vidal, lors d’une mémorable danse des sept voiles. Elle est aussi engagée pour être la doublure extérieure de Rita Hayworth pour le projet de film américain Joseph et ses frères, tourné à Louxor, un projet qui ne verra jamais le jour. En 1955, le cinéaste américain Howard Hawks réalise la Terre des Pharaons, dont la plupart des scènes sont tournées à Hollywood. Mais pour les scènes extérieures et les plans de foule, il est obligé d’engager une seconde équipe en Égypte ; c’est ainsi que Dalida devient la doublure locale de Joan Collins. Du côté du cinéma égyptien, elle parvient à être choisie par Niazi Mostafa pour jouer le rôle d’une vamp dans Un verre, une cigarette, aux côtés de la fameuse danseuse Samia Gamal ; elle y laisse déjà transparaître ses talents de chanteuse italophone.
Mais sa carrière d’actrice ne décolle pas. Elle s’envole pour Paris en espérant la lancer véritablement, et change son nom de scène en mêlant « Dalila » et son vrai prénom, Iolanda. Elle est devenue « Dalida ». Mais en France, c’est une carrière de chanteuse qui l’attend.
En 1956, le succès de la chanson Bambino et la première partie d’Aznavour à l’Olympia propulsent sa carrière. Par-delà l’exotisme de son singulier accent charmeur, avec cette façon de rouler les R et de jeter des accents circonflexes un peu partout, sa musique reste bel et bien occidentale, fidèle aux codes et aux styles de la chanson pop européenne, entre yé-yé, puis disco, et chanson réaliste.
Au milieu des années 1960, la fraîcheur orientale sur laquelle elle surfait depuis ses débuts ne suffit plus. Elle réinvente alors son personnage et sa silhouette : la blonde sophistiquée détrône la brunette des premiers jours. Elle surjoue sa féminité avec un maquillage marqué, une chevelure impeccable et des robes chics de créateurs connus.
En plus de son look, elle travaille sans cesse au renouvellement de son style artistique. Elle surfe un temps sur la vague yé-yé jusqu’à ce que la mode disco ne la détrône. C’est là que Dalida se distingue en devenant la première disco queen de l’Hexagone avec un côté kitsch bien assumé. Lors de ses apparitions télévisées, elle accorde une place singulière à sa silhouette, au jeu et à la danse. C’est cette théâtralité qui définit l’essence de sa touche artistique. Un peu à l’égyptienne, Dalida, est en fait une chanteuse qui joue, ou peut-être même une actrice qui chante !
En 1977, alors en pleine gloire en Europe, la star internationale fait un retour aux sources en reprenant Salma Ya Salama, une chanson nationaliste de 1919 composée par Sayed Darwich, considéré comme le père de la musique égyptienne populaire. Elle la chantera en cinq langues. Le succès est vertigineux, en France comme au Moyen-Orient. Helwa Ya Baladi (« Ô mon beau pays ») rencontre le même enthousiasme à sa sortie en 1979. Ces deux chansons célèbrent le souvenir de son Égypte natale, à laquelle elle rendra un dernier hommage en 1980 avec Aghani Aghani (« Chansons, chansons »), pot-pourri de tubes arabes qui laisse transparaître sa nostalgie pour son enfance idyllique. Le refrain en est la meilleure preuve : « Chansons, chansons qui me manquent tant ! Chansons, chansons qui, en un instant, me transportent dans un passé de bonté et de bénédictions, parmi les miens et mes amis ! »
Le rêve cinématographique de ses débuts devra attendre trente ans pour se concrétiser, avec le cinéaste Youssef Chahine, dans Le Sixième jour (Al-Youm al-sâdis, 1986). C’est un mélodrame, avec Dalida en tête d’affiche dans le rôle de Saddika, une lavandière. Le cinéaste, qui lui offre là son premier rôle dramatique au cinéma, n’hésite pas à la métamorphoser en tragédienne. C’est à peine si l’on reconnaît la star du glamour et du show-business. Dans le film, elle mène une vie de labeur : les cheveux dissimulés sous un voile, sa longue silhouette cachée dans une large djellaba, le visage nu et sans fard. À la grande surprise du public de la diva, Dalida ne chante pas dans le film, sauf, à la fin où elle fredonne à mi-voix le refrain de la chanson égyptienne Ṭilʿit yā maḥlā nūrhā.
Youssef Chahine raconte : « Dalida mourait d’envie de jouer. Quand je lui ai offert le rôle, elle a sauté de joie. Elle est venue ici, a tourné avec nous. Elle avait une discipline de fer, était d’une grande gentillesse avec les ouvriers. Elle chantait et dansait avec eux. Et pourtant, elle était d’une tristesse incroyable. […] C’était quelques mois avant son suicide. »