Les divas sur grand écran #fiche

Sabah, El Charhouha

Qui est Sabah ?

Photographie de Sabah dans le film « La rue de l'amour » (Shara' al-hob) Réalisé par Ezzedine Zulficar avec Abdel Halim Hafez et Abdel Salam Naboulsi Egypte, 1958 Beyrouth, collection Abboudi Bou Jawde © Abboudi Bou Jawde
Sabah, chanteuse et actrice (Bdadoun, Liban, 1927 - Beyrouth, Liban, 2014)

Alors que rien ne laisser présager un tel destin, Sabah a su forger sa propre légende. Actrice, icône de beauté, la belle Libanaise à la mythique chevelure blonde aura mené une existence digne de celle d’une héroïne de film.

La petite Jeanette Georges Feghali, née en 1927 dans une famille chrétienne de la vallée de Wadi Charour (littéralement « la vallée du merle » en référence aux chants des oiseaux), est devenue l’une des plus grandes stars arabes du XXe siècle. De son village natal, la jeune fille conserve deux choses : le zajal, genre musical libanais traditionnel, qu’elle y a appris, et un surnom : El Charhouha, « la merlette ». Passionnée depuis son jeune âge par la musique et par le nouvel art qu’est le cinéma, elle nourrit rapidement le rêve d’y faire ses preuves. « Je suis fière d’être une fille du village mais j’avais beaucoup d’ambition », dira-t-elle. Rapidement repérée pour ses capacités vocales, elle enregistre sa première chanson à 13 ans. Sa voix et son caractère affirmé attirent l’attention de la productrice Assia Dagher, qui convainc la famille de la jeune fille de l’emmener en Égypte où elle signe pour trois films. Elle adopte le nom de scène de Sabah, « Matin » en arabe, dans son premier film, Le cœur a ses raisons (El-Qalb Louh Wahid), sorti en 1940.

C’est le début d’une carrière de près de sept décennies, riche de plus de 90 films et d'un nombre incalculable de chansons, et d’une carrière musicale qui se caractérise par une grande diversité. En Égypte, elle collabore avec les plus grands compositeurs de son temps, notamment Riad al-Sunbati, qui lui offre la possibilité de démontrer son talent dans le répertoire classique, mais aussi Mohammad Abdel Wahab, Farid al-Atrache ou Baligh Hamdi. Sa voix traverse ainsi les évolutions de la musique égyptienne jusqu’aux années 2000 où elle interprète des chansons pop. Loin d’oublier son pays d’origine, elle a travaillé avec les frères Rahbani et Philémon Wahby et tiendra la tête d’affiche de célèbres comédies musicales libanaises au côté de la diva Fayrouz et des célèbres chanteurs Wadi al-Safi et Nasri Shamseddine. Son talent et sa capacité à explorer de nombreux répertoires lui permettent de toucher le public par-delà les pays arabes ; sa carrière est ponctuée de nombreuses tournées à l’étranger, notamment à l’Olympia de Paris, au Carnegie Hall à New-York, au Piccadilly Theatre à Londres ou encore à l’Opéra de Sydney en Australie.

Derrière la star au sourire ravageur et aux tenues extravagantes se cache un parcours personnel marqué par des drames. Sa mère est assassinée par son propre fils qui la soupçonne d’infidélité. Cette tragédie la pousse très tôt à être indépendante et à faire preuve de courage pour affronter les difficultés, notamment lorsque son propre père essaie d’interrompre sa carrière. Dans sa vie de liberté et de passions, Sabah n’hésitera pas à briser de multiples tabous par ses tenues vestimentaires, par ses textes mais aussi par ses opérations de chirurgie esthétique assumées. C’est pourtant sa vie sentimentale qui attire le plus l’attention : elle cumule neuf mariages, dont l’un avec le célèbre acteur Roshdy Abaza. L’artiste en tirera un bilan amusée : « La plupart de mes mariages ont duré cinq ans. Au bout de la cinquième année, je deviens folle ! Ces hommes ont tous voulu gérer ma vie et ma carrière. En contrepartie, ils ne m’offraient rien. »

Sabah est décédée en 2014, mais sa voix et son extravagance assumée lui ont valu de demeurer populaire auprès de la jeune génération.
Hajer Ben Boubaker

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