Shirin Abu Shaqra #fiche

Shirin Abu Shaqra

Qu’est-ce qui caractérise l’œuvre de l’artiste Shirin Abu Shaqra ?

© Teresa Czepiec
Shirin Abu Shaqra, artiste multidisciplinaire, réalisatrice (Doha, Qatar)

Née à Doha d’un père libanais et d’une mère syrienne, Shirin Abu Shaqra a vécu à Paris, Montréal, Alexandrie, Istanbul, Beyrouth, et vit aujourd’hui à Cannes, des villes qui l’ont inspirée tout au long de son parcours artistique. Sa vocation commence jeune : elle s’intéresse au théâtre et à la danse qu’elle pratique assidûment jusqu’à à une maladie qui l’empêche un temps de monter sur les planches. Durant cette période de rémission, l’artiste s’oriente vers la musique, particulièrement arabe, qui l’accompagne durablement, et lui ouvre des perspectives qui se matérialiseront plus tard dans son œuvre. Son oreille musicale s’affine et s’oriente vers les chants de femmes. Elle s’interroge sur l’ethos de ces voix et sur les différentes manières de chanter. S’intéressant tant à la voix montagnarde d’une Sabah qu’aux chants bédouins de Samira Toufiq, elle développe son intérêt pour le rôle de transmission qui est dévolu aux femmes dans la région.

Malgré une passion pour le cinéma, qui est née notamment grâce aux films de Charlie Chaplin, elle commence d’abord des études d’histoire, puis de sciences politiques. Diplômée d’un master en histoire en 2004 et d’un DEA en sciences politiques en 2006 à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, elle travaille pendant huit ans comme bibliothécaire et chercheur, et publie plusieurs articles académiques au Centre d’études pour le monde arabe moderne (CEMAM - USJ). Sa passion pour le cinéma la rattrape et elle s’oriente vers un master en beaux-arts au Centre national des arts contemporains Le Fresnoy à Tourcoing. Elle se spécialise en cinéma et débute une carrière liée à l’image.

Sa solide formation en sciences humaines s'avère essentielle dans son processus de création artistique. En effet, Shirin Abu Shaqra mène de nombreuses recherches historiques avant chaque création. Développant des univers cinématographiques liés au passé, la dimension historique lui permet d’accéder au pouvoir d’affirmation même dans la subjectivité. La musique est également un vecteur essentiel de son style cinématographique pour sa dimension dyonisiaque. Celle qui fut admise au Fresnoy grâce à un court-métrage d’animation continue de puiser dans ce médium pour créer une distanciation entre elle et les sujets abordés.

Un instant mon glamour, le premier moyen-métrage qu’elle réalise en 2009, raconte l’histoire vraie de Wadad, figure oubliée de la musique arabe. À travers l’histoire de cette idole libanaise, la réalisatrice confirme son style et signe un émouvant hommage aux premières divas déchues. Ce voyage musical et poétique nous offre une perspective unique sur une période méconnue du Proche-Orient et sur la place qu’occupent les femmes chanteuses dans cet environnement en mutation. Très remarqué dans le monde arabe, le film remporte le prix du meilleur film au festival « Né à Beyrouth » en 2009.

À la croisée de plusieurs cultures, l’artiste n’hésite pas à proposer des sujets divers qui trouvent parfois une meilleure réception au Proche-Orient ou bien en Europe comme son docu-fiction What happens to a Displaced ant (2017). S’inspirant d’un travail de cinq mois à bord des bateaux de Médécins sans frontières qui viennent en aide aux réfugiés en Méditerranée, l’artiste donne à voir une œuvre sensible, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire, qui raconte la correspondance entre une infirmière humanitaire et son amant architecte.
Hajer Ben Boubaker

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