Wael Kodeih et Randa Mirza #fiche

Randa Mirza

Qui est Randa Mirza, l’œil rebelle ?

Randa Mirza, photographe et artiste visuelle (Beyrouth, Liban)

Artiste protéiforme cultivant la discrétion, Randa Mirza se définit volontiers comme « construite sur une dualité ». Depuis cette dualité, perceptible dans le choix d’un entre-deux entre les deux villes méditerranéennes de Beyrouth et Marseille autant que dans son rapport aux normes genrées, Randa Mirza explore un univers sans frontières.

L’artiste a le goût de l’image et s’oriente très vite vers la photographie ; elle la met en œuvre sous différentes formes, de la photographie artistique au photojournalisme. Sa pratique est inspirée par la situation politique du Proche-Orient. Ainsi, dans sa série Parallel universes, elle intègre avec cynisme, à des photos de la guerre civile libanaise ou de la guerre de 2006, des « spectateurs » inattendus, n’hésitant pas à s’introduire elle-même dans ces photos du passé.

Particulièrement attentive aux thèmes de la mémoire et de son effacement, elle porte un regard aiguisé sur son environnement natal. Dans sa série Beirutopia, elle s’intéresse à l’avenir de Beyrouth en posant son regard sur le boom de la construction immobilière post-guerre civile. En utilisant des images virtuelles qu’elle place dans leur environnement réel avec des effets de cadrage et de superposition, Randa Mirza interroge la place des habitants dans une ville en proie à une forte spéculation immobilière, et dénonce un urbanisme qui en efface l’histoire et tente de cacher ses blessures.

Critique, elle l’est aussi face aux normes que tente d’imposer la société en cantonnant le genre à une définition étroite. Une thématique qu’elle interroge dans sa série On Sex and Gender, très commentée lors de son exposition au Beirut Art Center en 2013. Grâce à différentes technologies, l’artiste y a modifié le corps nu de ses modèles au point d’abolir la notion de sexes féminin et masculin.

Adepte de l’appareil photo comme des outils numériques, Mirza développe une pratique pluridisciplinaire où elle mise sur un travail en profondeur à la fois visuelle et historique. De cette pratique est née El-Zohra n’est pas née en un jour, série de dioramas – des dispositifs de présentation en 3D – qui s’attachent à un pan de l’histoire antéislamique. L’artiste raconte l’histoire de mythes arabes d’avant l’islam, pour pousser les spectateurs à réfléchir à la place qu’occupent ces légendes oubliées dans leur imaginaire collectif.

C’est en hommage à une mythologie plus contemporaine, faite de déesses et de dieux de la musique, que Randa Mirza collabore avec Waël Kodeih. Leurs deux projets aux sonorités électro-arabes intitulés Love and Revenge et Glory & Tears rendent hommage au cinéma égyptien et explorent l'hétérogénéité des musicalités arabes. C’est en travaillant sur des images d’archives qu’elle revisite et transfigure que Randa Mirza met en lumière cet héritage, dont les femmes sont les héroïnes.
Hajer Ben Boubaker

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