La Nahda #fiche

La Nahda, un mouvement culturel et intellectuel majeur

Qu’est-ce que la Nahda ?

Le boulevard Ismaïlieh, Le Caire, Egypte Circa 1880 Luigi Fiorillo © IMA
Le terme de « Nahda », en arabe « éveil » ou « essor », est une période qui s’étend du début du XIXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale, pendant laquelle le monde arabe a connu des évolutions sociales et culturelles majeures. À la fois bouleversement politique, avec l’avènement de la notion d’État-nation, et révolution culturelle et scientifique consécutive aux contacts avec l’Occident, elle outrepasse les frontières du monde arabo-musulman et trouve des échos, par l’intermédiaire de la diaspora arabe, jusqu’à Istanbul, Sao Paulo, New York ou Paris.

On prend souvent comme point de départ de la Nahda l’expédition d’Égypte de Bonaparte (1798-1801) et ses conséquences : l’affaiblissement de l’Empire ottoman sur fond de lutte d’influence entre France et Grande-Bretagne et la montée en puissance de pouvoirs locaux forts, particulièrement dans l’Égypte de Méhémet Ali, qui va y impulser de grandes réformes.
Les prémices de la Nahda s’inscrivent dans une volonté de réformes politiques impulsées par le pouvoir pour moderniser des domaines aussi variés que les infrastructures, l’administration ou l’industrie.

Dans la deuxième partie du XIXe siècle, elle se caractérise par un intense bouillonnement culturel qui débouche sur un véritable renouveau dans le domaine littéraire, avec la modernisation de la langue arabe et l’ouverture à de nouvelles formes d’écriture, annonciatrices du roman arabe moderne. En 1848, le théâtre est introduit à Beyrouth, où l’on donne les premières représentations en langue arabe. En 1855, Al-Sâq ‘alâ al-sâq (La Jambe sur la jambe) de Fâris Shidyâq signe le premier texte de fiction de l’époque moderne, récit de son séjour en Grande-Bretagne, alors que Francis Marrash publie en 1865 le premier roman en langue arabe. Loin de se cantonner à leur fascination pour l’Occident, les intellectuels se nourrissent de l’héritage arabe en republiant de nombreuses œuvres médiévales, revivifiant les plus beaux témoignages de l’âge d’or des règnes abbassides et omeyyades et de l’Andalousie arabo-musulmane.

La parution d’ouvrages imprimés augmente à un rythme exponentiel, passant en Égypte de 400 à plus de 1 400 titres par an. La presse n’est pas en reste : de nombreux journaux voient le jour et concurrencent les organes de presse gouvernementaux qui prévalaient jusqu’alors. D’importantes universités sont créées telles que, au Caire, l’École normale supérieure en 1872, et à Beyrouth, le Syrian Protestant College en 1866 et l’Université Saint-Joseph en 1875. En cette période riche en échanges, c’est au sein du Syrian Protestant College que surviennent les premiers et vifs débats autour du darwinisme.

La rencontre entre pratiques et pensées scientifiques occidentales et traditions islamiques ne va pas sans frictions ; en témoigne la célèbre controverse opposant Ernest Renan, pour qui « l’islamisme a toujours persécuté la science et la philosophie », et le penseur et réformiste musulman Jamal al-Dîn al-Afghani.

À la fin du XIXe siècle, toutes ces évolutions sont nettement perceptibles. C’est alors Le Caire qui est le principal foyer de la Nahda, suivi de nombreux autres centres urbains tels Beyrouth, Alep, Alexandrie ou Tunis. C’est également à partir de la fin du XIXe siècle, et plus particulièrement dans les deux premières décennies du XXe, que la Nahda se traduit par un questionnement sur la place des femmes et sur leur émancipation. De nombreux penseurs réformistes prônent la nécessité d’une amélioration de la condition féminine pour faire évoluer la société. Néanmoins, ce combat reste avant tout celui de femmes telles que May Ziadé, qui anime des salons littéraires, ou Hoda Chaaraoui, militante féministe.
Hajer Ben Boubaker

Partager cet article sur :