Le combat des féministes en Egypte #fiche

Féminisme et nationalisme

Comment les femmes du monde arabe se sont-elles engagées dans les combats indépendantistes ?

Magazine féministe « L'Égyptienne » Numéros 18, Le Caire, 1926 Paris, Institut du monde arabe ©IMA
Loin de se cantonner à la théorie, de nombreuses militantes féministes s’engagent pour réformer le système social. Malak Hifni Nasif investit la scène politique dès 1911 en proposant à l’Assemblée législative égyptienne un programme en dix points pour l’amélioration des conditions de vie des femmes. Parmi ses propositions : l’accès aux soins infirmiers, la mise en place de formations à l’hygiène, l’éducation primaire obligatoire, l’accès gratuit aux études supérieures, la possibilité d’enseigner même pour les femmes mariées. La féministe exige aussi un âge minimum au mariage et la possibilité de ne pas porter le voile. Si cette prise de parole n’entraîne aucune action concrète, elle constitue néanmoins le premier discours féministe prononcé dans l’enceinte d’une institution politique arabe.

L’une des militantes les plus célèbres, Hoda Chaaraoui, s’investit dans de nombreuses actions sociales à l’adresse des femmes égyptiennes. En 1914, elle crée l’Association intellectuelle des Égyptiennes, qui organise des conférences et invite de nombreuses féministes européennes. Connue pour s’être dévoilée publiquement aux côtés de Ceza Nabaroui (1897-1985), à son retour d’une réunion féministe à Rome, Hoda Chaaraoui est une indépendantiste et anticolonialiste convaincue qui milite au sein du Wafd, le parti nationaliste égyptien. Mais si le combat indépendantiste réunit des militants des deux sexes, la rupture est manifeste après l’indépendance du pays, en 1953. De fait, peu d’actions sont entreprises par les dirigeants politiques pour l’amélioration de la condition féminine. Les femmes se voient accorder le droit de vote, celui de travailler et l’accès à l’éducation, mais le parti indépendantiste reste dominé par une pensée conservatrice dénoncée par Hoda Chaaraoui. C’est pourquoi elle s’éloigne du Wafd et fonde l’Union féministe égyptienne (UFE).

Dans tout le monde arabe, les années 1920 sont celles de grands questionnements sur la condition des femmes. En 1924, la Tunisienne Manoubia Ouertani donne une conférence publique sur le féminisme dans un club littéraire de Tunis où elle apparaît sans voile. En 1929, Habiba Menchari, elle aussi tunisienne, donne une conférence sur « La femme musulmane de demain. Pour ou contre le voile ». La pionnière syrienne du féminisme Nazik Abid fonde en 1928 l’Union féminine en Syrie et au Liban avec un projet explicitement politique. C’est ainsi que le Congrès syrien réunira plus de mille femmes représentant une quarantaine d’associations.

Toutes concernées par l’indépendance de leurs pays, nombreuses sont les féministes qui adhèrent au panarabisme. Se proposant de faire fructifier le projet féministe transnational, le premier Congrès des féministes arabes est organisé par Hoda Chaaraoui en décembre 1944. Il débouche sur la proposition de 51 résolutions pour l’égalité, dont la féminisation de la langue, et aboutit à la création de l’Union féministe arabe en 1945.
Hajer Ben Boubaker

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