Hoda Chaaraoui, pionnière et icône du féminisme égyptien
En quoi Hoda Chaaraoui a-t-elle œuvré pour la condition des femmes en Égypte et dans le monde arabe ?
Hoda Chaaraoui, militante féministe (Al Minya, Égypte, 1879 - Le Caire, Égypte, 1947)
Hoda Chaaraoui est une figure centrale du féminisme égyptien du début du XXe siècle et l’un des visages les plus célèbres du féminisme arabe. Femme de conviction, elle consacra sa vie aux deux combats qui lui semblaient essentiels à sa propre libération : le combat pour les femmes, et celui contre le colonialisme.
Hoda Chaaraoui naît en 1879 dans une riche famille de la bourgeoisie égyptienne, au cœur du harem familial. Son père, Muhammad Sultan Basha, est un homme de premier plan, président de la chambre des députés et sa mère, Iqbal, une esclave circassienne. Comme de nombreuses femmes de son rang, Hoda reçoit une éducation au sein du harem mais est privée de l’enseignement fondamental de la langue arabe. Dans ses mémoires, elle ne manque pas de le rappeler en relatant l’anecdote suivante : elle entend un jour l’homme chargé de veiller sur elle dire à son institutrice : « Remportez votre livre, madame l’institutrice. La jeune dame n’a pas besoin de grammaire, elle ne deviendra pas juge. » Proche de son frère, c’est à son côté qu’elle apprend des rudiments d’arabe. Au décès de son père, elle passe sous la tutelle de son cousin germain qu’elle est dans l’obligation d’épouser – elle a 13 ans – pour pouvoir conserver le patrimoine hérité de son père. Réticente, elle cède en exigeant avec sa mère que le contrat oblige l’époux à la monogamie. Le non-respect de cette clause par son mari permet à Hoda de demander le divorce et de jouir d’une autonomie rare pour une femme de son époque et de son milieu.
La période qui s’ouvre est fructueuse en rencontres déterminantes, puisque Hoda se lie à l’intellectuelle et féministe Eugénie Le Brun, épouse du futur Premier ministre égyptien. Cette dernière ouvre un salon destiné aux femmes que Hoda fréquente assidûment et où elle développe sa pensée féministe. Ses idéaux se nourrissent de ses voyages fréquents à Paris où elle découvre le mode de vie des Parisiennes de la haute société et s’habitue à sortir sans cacher son visage derrière un voile. En effet, alors que les paysannes et les citadines égyptiennes issues des classes populaires le portent rarement, le voile est de rigueur pour les femmes de la haute société.
La militante s’investit dès 1908 dans des actions philanthropiques à l’adresse des femmes pauvres pour lutter contre une vague de mortalité infantile. Elle défend l’idée que des dispensaires permettraient aux femmes d’élargir leurs activités et d’acquérir des connaissances pratiques tout en sortant de leur foyer. Selon elle, ces activités remettent en question l’idée que les femmes ont besoin d’une protection masculine. Hoda Chaaraoui fait ainsi preuve d’une réelle volonté d’offrir plus de services sociaux aux femmes pauvres ; elle défend néanmoins l’idée que les femmes les plus éduquées sont les gardiennes et protectrices de la nation.
Elle crée l’Association intellectuelle des Égyptiennes en 1914. Elle organise des conférences, invite des féministes européennes et pose des fondements théoriques du féminisme régional. Hoda Chaaraoui s’implique très tôt dans le mouvement nationaliste égyptien pour l’indépendance. Son mari – elle s’est remariée avec son cousin à l’âge de 21 ans – fonde le parti Wafd, principal parti indépendantiste, au côté du leader Saad Zaghloul. Alors que la révolution de 1919 contre l’occupation britannique éclate, Hoda mobilise son réseau de femmes pour organiser des manifestations et prendre part au mouvement. Elle devient présidente du Comité central des femmes du Wafd. Pourtant, elle prend très vite ses distances avec le parti en reprochant aux dirigeants de délaisser la question de l’égalité entre les sexes. En témoigne sa célèbre lettre au leader Saad Zaghloul : « […] À cet instant où la question égyptienne est sur le point d’être résolue, il est manifestement injuste que le Wafd égyptien, qui défend les droits de l’Égypte et lutte pour sa libération, puisse dénier à la moitié de la nation la part prise à cette libération. »
Après son départ du parti, elle fonde en 1923 l’Union féministe égyptienne (UFE) dont elle demeure la présidente jusqu’à sa mort. C’est à cette époque qu’elle décide de dévoiler publiquement son visage pour marquer son refus de cette obligation faite aux femmes. Fondatrice de la revue féministe L’Égyptienne, elle fait évoluer son combat d’un féminisme égyptien à un féminisme arabe en organisant le premier Congrès des féministes arabes qui met en avant « la construction d’une véritable citoyenneté pour les hommes et les femmes dans des États arabes libérés du joug de la colonisation ». Critique des positions occidentales notamment concernant la Palestine, elle attaque aussi les dirigeants de la Ligue arabe pour leur sexisme : « La Ligue dont vous avez signé le pacte hier n’est que la moitié de Ligue, la Ligue de la moitié du peuple arabe. »
Décédée en 1947, elle laisse derrière elle un héritage incontournable et devient une source d’inspiration pour la nouvelle génération de féministes égyptiennes, rapidement en proie à la répression du président Nasser ; celui-ci interdit toutes les associations féministes et n’autorise que le seul État à prendre en charge la question du droit des femmes.
Hajer Ben Boubaker
Hoda Chaaraoui est une figure centrale du féminisme égyptien du début du XXe siècle et l’un des visages les plus célèbres du féminisme arabe. Femme de conviction, elle consacra sa vie aux deux combats qui lui semblaient essentiels à sa propre libération : le combat pour les femmes, et celui contre le colonialisme.
Hoda Chaaraoui naît en 1879 dans une riche famille de la bourgeoisie égyptienne, au cœur du harem familial. Son père, Muhammad Sultan Basha, est un homme de premier plan, président de la chambre des députés et sa mère, Iqbal, une esclave circassienne. Comme de nombreuses femmes de son rang, Hoda reçoit une éducation au sein du harem mais est privée de l’enseignement fondamental de la langue arabe. Dans ses mémoires, elle ne manque pas de le rappeler en relatant l’anecdote suivante : elle entend un jour l’homme chargé de veiller sur elle dire à son institutrice : « Remportez votre livre, madame l’institutrice. La jeune dame n’a pas besoin de grammaire, elle ne deviendra pas juge. » Proche de son frère, c’est à son côté qu’elle apprend des rudiments d’arabe. Au décès de son père, elle passe sous la tutelle de son cousin germain qu’elle est dans l’obligation d’épouser – elle a 13 ans – pour pouvoir conserver le patrimoine hérité de son père. Réticente, elle cède en exigeant avec sa mère que le contrat oblige l’époux à la monogamie. Le non-respect de cette clause par son mari permet à Hoda de demander le divorce et de jouir d’une autonomie rare pour une femme de son époque et de son milieu.
La période qui s’ouvre est fructueuse en rencontres déterminantes, puisque Hoda se lie à l’intellectuelle et féministe Eugénie Le Brun, épouse du futur Premier ministre égyptien. Cette dernière ouvre un salon destiné aux femmes que Hoda fréquente assidûment et où elle développe sa pensée féministe. Ses idéaux se nourrissent de ses voyages fréquents à Paris où elle découvre le mode de vie des Parisiennes de la haute société et s’habitue à sortir sans cacher son visage derrière un voile. En effet, alors que les paysannes et les citadines égyptiennes issues des classes populaires le portent rarement, le voile est de rigueur pour les femmes de la haute société.
La militante s’investit dès 1908 dans des actions philanthropiques à l’adresse des femmes pauvres pour lutter contre une vague de mortalité infantile. Elle défend l’idée que des dispensaires permettraient aux femmes d’élargir leurs activités et d’acquérir des connaissances pratiques tout en sortant de leur foyer. Selon elle, ces activités remettent en question l’idée que les femmes ont besoin d’une protection masculine. Hoda Chaaraoui fait ainsi preuve d’une réelle volonté d’offrir plus de services sociaux aux femmes pauvres ; elle défend néanmoins l’idée que les femmes les plus éduquées sont les gardiennes et protectrices de la nation.
Elle crée l’Association intellectuelle des Égyptiennes en 1914. Elle organise des conférences, invite des féministes européennes et pose des fondements théoriques du féminisme régional. Hoda Chaaraoui s’implique très tôt dans le mouvement nationaliste égyptien pour l’indépendance. Son mari – elle s’est remariée avec son cousin à l’âge de 21 ans – fonde le parti Wafd, principal parti indépendantiste, au côté du leader Saad Zaghloul. Alors que la révolution de 1919 contre l’occupation britannique éclate, Hoda mobilise son réseau de femmes pour organiser des manifestations et prendre part au mouvement. Elle devient présidente du Comité central des femmes du Wafd. Pourtant, elle prend très vite ses distances avec le parti en reprochant aux dirigeants de délaisser la question de l’égalité entre les sexes. En témoigne sa célèbre lettre au leader Saad Zaghloul : « […] À cet instant où la question égyptienne est sur le point d’être résolue, il est manifestement injuste que le Wafd égyptien, qui défend les droits de l’Égypte et lutte pour sa libération, puisse dénier à la moitié de la nation la part prise à cette libération. »
Après son départ du parti, elle fonde en 1923 l’Union féministe égyptienne (UFE) dont elle demeure la présidente jusqu’à sa mort. C’est à cette époque qu’elle décide de dévoiler publiquement son visage pour marquer son refus de cette obligation faite aux femmes. Fondatrice de la revue féministe L’Égyptienne, elle fait évoluer son combat d’un féminisme égyptien à un féminisme arabe en organisant le premier Congrès des féministes arabes qui met en avant « la construction d’une véritable citoyenneté pour les hommes et les femmes dans des États arabes libérés du joug de la colonisation ». Critique des positions occidentales notamment concernant la Palestine, elle attaque aussi les dirigeants de la Ligue arabe pour leur sexisme : « La Ligue dont vous avez signé le pacte hier n’est que la moitié de Ligue, la Ligue de la moitié du peuple arabe. »
Décédée en 1947, elle laisse derrière elle un héritage incontournable et devient une source d’inspiration pour la nouvelle génération de féministes égyptiennes, rapidement en proie à la répression du président Nasser ; celui-ci interdit toutes les associations féministes et n’autorise que le seul État à prendre en charge la question du droit des femmes.