Quand les femmes montent sur scène #fiche

Mounira al-Mahdiyya, la Sultane du tarab

Qui était Mounira al-Mahdiyya ?

Portrait de Mounira al-Mahdiyya Le Caire, circa 1920 New York, The Abushâdy Archive © The Abûshady Archive
Mounira al-Mahdiyya, chanteuse (Alexandrie, Égypte, 1885-1965)

Aujourd’hui oubliée du grand public, Mounira al-Mahdiyya fut pourtant l’une des plus grandes représentantes de la musique arabe du début du XXe siècle, aussi célèbre pour son fort caractère que pour sa voix. Son parcours est révélateur des évolutions musicales et sociales de l’Égypte des années 1920. Au même titre qu’Oum Kalthoum, elle a été l’une des premières vedettes au moment où l’Égypte s’assurait une domination indiscutable sur l’industrie du disque arabe.

Née Zakiyya Hassan Mansour, elle débute très jeune dans la musique. Au début du XXe siècle, elle se produit dans les cabarets d’Azbakiyya et sort ses premiers disques sous le nom de « Madame Mounira ». Formée musicalement par les célèbres almées Sayyida al-Lâwindiyya et Bahiyya al-Mahallâwiyya, Mounira s’illustre dans le style musical taqtûqa, adaptation de chansons grivoises interprétées par les almées dans les assemblées féminines, composées de quatre ou cinq couplets sur une même mélodie et d’un refrain.

Mounira puise également à l’esthétique du tarab, cette extase que font naître des performances vocales fondées sur l’improvisation et la répétition, et compte parmi celles qui créent un pont entre le répertoire savant, considéré comme plus masculin, et les répertoires chantés féminins. Alors qu’elle fait la gloire de la taqtûta, la chanteuse s’oriente de plus en plus vers des répertoires plus classiques comme les adwar, pièces de musique savante vocale en langue dialectale soutenue, et les qasâ’id, formes poétiques classiques chantées. Elle perfectionne sa technique vocale auprès d’artistes syriens et devient une figure incontournable des nuits cairotes grâce à ses performances dans son cabaret, le casino Nuzhat al-nufûs.

Loin de s’enfermer dans un seul registre, elle se tourne vers le théâtre lyrique, rejoignant la célèbre troupe que dirige Cheikh Salama Higazi, pionnier de l’opérette. C’est ainsi que, déguisée en homme, elle est la première Égyptienne musulmane à monter sur les planches. Audacieuse, elle interprète des rôles masculins à plusieurs reprises, notamment celui de Roméo dans une adaptation de Roméo et Juliette.

Populaire par-delà les frontières de son pays, elle se produit au Maroc, en Irak, et même devant Mustafa Kemal Attatürk pour la fête d’indépendance de la Turquie. Ce succès la conduit tout naturellement au cinéma où elle est, en 1935, la tête d’affiche du film La Coquette (El Ghandourah) réalisé par Mario Volpi.

Celle qui fut connue de son temps comme la « Sultane du tarab » perd de sa popularité quand émergent de nouvelles stars telles que Mohammad Abdel Wahab et Oum Kalthoum, sa grande rivale. Elle laisse en héritage sa modernité musicale, et entre au panthéon des femmes qui auront fait évoluer la condition féminine de son pays.
Hajer Ben Boubaker

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