Fayrouz #fiche

Fayrouz, une identité esthétique forte

Pourquoi la musique de Fayrouz a-t-elle une identité esthétique forte ?

Vinyle de Fayrouz « Faouruziyât », 1965 Beyrouth, collection Abboudi Bou Jawde © Abboudi Bou Jawde
Fayrouz, chanteuse (Zokak el-Blat, Liban, 1934)

La richesse du matériau musical employé par Fairouz et les Rahbani est accentuée davantage encore par la variété des inspirations et des genres musicaux qu’ils investissent.

Loin de l’esthétique de la qasida et du dawr hérités de la Nahda qui ont nourrit Oum Kalthoum et Riad al-Sunbati, ils emploient pourtant tout autant qu’elle la langue arabe classique, et les textes qu’ils écrivent eux-mêmes sont d’une intense force poétique et d’une grande expressivité.

Fayrouz a investi une autre tradition de la musique savante et de la poésie classique arabe, le mouachah. Celui-ci, pourtant également présent en Egypte, n’a pas été abordé par Oum Kalthoum qui s’est concentrée quasi exclusivement sur la constitution d’un répertoire écrit et composé pour elle. Ceci confère à la musique de la diva libanaise un ancrage profond dans la tradition auquel le public est sensible. Mais même dans ce contexte de tradition savante, les Rahbani ont cherché à apporter leur pierre à l’édifice en mettant en musique des poèmes classiques des siècles passés.

Fairouz a également interprété beaucoup de chansons inspirées des musiques populaires libanaises, notamment de la musique accompagnant la danse appelée dabké, comme Dabkat Lebnane (La Dabké du Liban). Son théâtre chanté en compte également un grand nombre.

Elle a aussi chanté de nombreuses cantillations chrétiennes, parfois composées par les Rahbani eux-mêmes, on citera par exemple l’album al-Joumou’a al-Hazina, Taranime Diniyya (Vendredi saint, chants liturgiques).

La variété des styles et des univers que Fairouz et les Rahbani ont abordés est plus large encore. Ils ont exhumé et remis au goût du jour plusieurs chansons de Sayyid Darwich, le père de la chanson populaire égyptienne de la fin du XIXe, comme Aho Da li Sar (Voilà ce qui s’est produit) et Tel’et Ya Mahla Nourhé (Elle est apparue, que sa lumière est belle !). Et surtout, ils ont réinvesti le théâtre chanté, ou opérette, une tradition égyptienne de la fin du XIXe qui a disparu vers la moitié du XXe en Egypte de même qu’en Syrie et au Liban où elle avait été introduite. Au total ce sont une quinzaine d’opérettes que vont composer les frères Rahbani. Elles abordent des thèmes historiques, comme Ayyam Fakhreddine (L’époque de Fakhredine) et sociaux, comme Jisr al-Qamar (Le pont de la Lune), ou sont une satire du pouvoir et de ses dérives autocratiques, comme Ya’iche Yaiche (Qu’il vive ! Qu’il vive !) et Natourate al-Mafatih (La Gardienne des clefs).

Fayrouz a également été l’héroïne de trois films, dont le premier et le plus célèbre a été réalisé par Youssef Chahine, Bayya’ al-Khawatime (Le Vendeur de bagues), et les deux autres par Henri Barakat.

Enfin, Fairouz a joué dans une dizaine d’opérettes pour la télévision libanaise, parmi lesquelles les célèbres Day’it al-Aghani (Le Village des chansons) et al-Qods fil Bal (Je pense à toi, Jérusalem).

Cette richesse des genres et des traditions abordés par Fairouz et les Rahbani confère à leur musique une place tout à fait unique dans le paysage musical arabe du XXe siècle.
Qaïs Saadi

Partager cet article sur :